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Sociétés humaines et sociétés d’abeilles : analogies comportementales devant le danger toxique ?

Dernièrement, pendant la visite de rucher prévue au programme des formations de TSA, un cadre portant des cellules bizarres est extrait d’une ruche. En effet, certaines alvéoles assez nombreuses tout de même, pas tout à fait remplies, présentent une surface dont la couleur brune est assez proche de celle de la propolis. Tiens ! Tiens ! Ne s’agirait-il pas du phénomène décrit (2009) en Amérique du Nord et dénommé « Entombed pollen » (pollen enseveli). Rien de plus simple pour le vérifier… Le grattage de la surface nous révèle ce que nous attendions un peu, à savoir : la fine couche superficielle enlevée, il est facile de voir que la cellule en question contient du pollen. Ici le pollen stocké est de couleur plutôt jaune foncé et non rouge brique comme décrit dans les articles * états-uniens. L’interprétation de ce phénomène serait que les abeilles en stockant ces pollens sous couche de propolis et de cire s’en interdisent l’accès et donc la consommation. Ce pain d’abeille enseveli contiendrait des substances toxiques : fongicides et autres. La présence de ce signe accompagne assez souvent le CCD** et semble précurseur de mortalités de colonies.
C’est malheureusement bien connu, nos sociétés humaines produisent des déchets, trop ! Et certains de ces déchets qualifiés « d’ultimes » et « toxiques » sont eux aussi stockés, dans des galeries souterraines comme celles d’anciennes mines ! Mais il faut bien voir que malgré nos avancées technologiques on ne sait toujours pas comment traiter ces déchets de façon satisfaisante, alors on les enfouit, on les accumule, en attendant quoi ?
Cette visite de rucher a été l’occasion de constater ce phénomène et de l’interpréter. Il n’est hélas pas aussi rare à observer que l’on pourrait le supposer : d’autres apiculteurs français l’ont également identifié dans leurs ruches. En tout cas, ce type de cellules anormales doit attirer l’attention de celui qui visite les ruches et montre de façon quasi certaine que la colonie qui présente de telles alvéoles a évolué dans un environnement non dénué de substances toxiques.
Sinon, dans ce numéro de La Santé de l’Abeille, vous pourrez lire un article ayant pour sujet le suivi d’efficacité des traitements mis en œuvre contre le redoutable Varroa destructor. Cette action est conduite par la FNOSAD depuis douze ans déjà, et sans aucun financement public désormais ! Que celles et ceux qui contribuent à cette démarche lourde, chronophage, qu’ils réalisent consciencieusement, soient remerciés de leur dévouement. La lecture de cet article vous montrera que l’arsenal thérapeutique utile dans la lutte contre le ravageur est en train de s’étioler puisque certaines modalités de traitements n’atteignent plus les niveaux d’efficacité souhaitable.
Quelle apiculture pour demain ? Entre les problèmes environnementaux et les difficultés avérées de la lutte contre la varroose.

Jean-Marie Barbançon, Président de la FNOSAD-LSA

* – Pour en savoir plus à propos du pollen enseveli : https://naldc.nal.usda.gov/download/30692/PDF
** – CCD = Colony Collapse Disorder.